Henri-Frédéric Amiel

Préface

Cette sélection de textes conçue comme une invitation et une dégustation est aussi un hommage non seulement au professeur genevois de philosophie et éthique, Henri-Frédéric Amiel*, mais également a sa ville de Geneve en suisse-romande. La source de ces traductions est la reconnaissance et le dévouement devant des professeurs et maîtres comme Lenke et Ottó Gráf, Zoltán Sághi, Magdolna Kapussy-Tóth, dr. Samu, et devant le médecin magnifiquement fragile mais géant spirituel, « le professeur des hongrois », László Németh. Le cour de l’Europe bat dans tout ce qu’ils nous enseignent, au dessus des frontieres légitimes ou abusives. C’est pour cela que cette force, au dessus des sommets suisses audacieux, inspire toujours et met en route des ouvres. Il inspire des invités et les choisis aux retrouvailles, comme consolation et de plus comme guérison, s’il le faut. Et c’est justement cela qu’il nous faut, avec un sérieux fatal: tout compte fait, la mise est notre intégrité et notre survie « pour cultiver la Terre » (Novalis) en peuple civilisé, raison pour laquelle ces ouvres épargnantes sont essentielles. Le Journal d’Amiel, surplombant des pays, a une telle force, vivante meme de nos jours, malgré l’intention de négliger Amiel et de le réduire au silence. Et parce qu’il l’avait écrit littéralement de son sang, il nous émeut toujours, nous éveille a nous-memes et nous construit un pont vers la Suisse. 2010 est l’année de sa parution hongroise, 130 ans apres la mort de son auteur. Comment cela est-il possible, quel siecle peut etre celui-ci, combien d’obstacles paralysants peuvent couper ainsi un (petit) peuple d’un autre? Que son ouvre soit tres peu connue en Suisse, en France, meme dans sa ville natale, ne peut point etre une consolation. Tout comme les lettres sur l’esthétique de Schiller ou les ouvres de Saint-Exupéry, excepté Le Petit Prince. « Car parmi les coupables, le muet est complice» Déja malade du cancer du larynx au milieu du siecle cancéreux, Mihály Babits râle sa douleur a Budapest, dans son poeme « La priere de Jonas ». Le vingtieme siecle hypocrite et mensonger ne peut surtout pas supporter la parole droite et claire. Enivrer, stupéfier des dizaines et des milliers de millions avec des « shows », avec le « sport », avec des drogues tam-tam, a toujours été une volonté diabolique. Il n’est donc pas indifférent comment trouver ses reperes par des vrais enseignants, ô non seulement par les exemples sublimes des professeurs d’étique, mais par de vraies sources spirituelles. Livres, auteurs, le couple de génies Goethe-Schiller, et George Sand, Mme de Staël ou encore Michel de Montaigne- dont la lecture ne l’a jamais ennuyé- ont maintes fois consolé et renforcé Amiel, pas seulement dans sa vocation, mais également dans le plus profond de son ego. Tout comme a l’époque Pestalozzi, le génie pédagogue excentrique de la Suisse, a pu avoir une influence inspiratrice bien au-dela des frontieres, jusqu’a la cour du tsar de la Russie. La question et la reddition des comptes est légitime: dans combien d’universités et écoles de pédagogie enseigne-t-on aujourd’hui la méthode originale et audacieuse de Pestalozzi? Qu’espérer aujourd’hui de l’édition bilingue franco-hongroise du Journal d’Amiel? Déja un « manuel » de français, par exemple. Ou imaginons-nous: puisse-etre ce livre une possibilité inattendue pour un(e) étudiant(e) chinois(e) ou coréen(ne), peut-etre meme dans une petite vieille bibliotheque de Transylvanie, ou elle tombe sur les si modernes auto-dissections psychologiques d’Amiel, et qui, parce que cette édition la prouve: sa modernité agit meme dans nos jours, prend son stylo pour se rendre compte a elle-meme de son étape de vie. Pour chercher, pour se regarder soi-meme: par exemple, qui et quand, quelle inspiration et volonté a créé cette bibliotheque en Transylvanie… « Examine-toi, Examine-toi, De ton expérience de monde Examine-toi » nous avertit Berthold Wulf, le géant poétique suisse-alémanique du siecle. Oui, Amiel leur écrit aussi: aux étudiants de la Transylvanie et de l’Europe, a des âmes surement assoiffées. L’auteur du Journal a 22 ans quand son ange gardien l’amene en Allemagne, dans l’université romantique et spirituelle de Heidelberg. L’Allemagne est en cette époque pleine de poésie, l’Europe d’avant 1843 est une « planete » totalement différente, un autre monde que celui d’aujourd’hui. L’agonie du matérialisme malade est depuis longtemps incapable d’estimer la grandeur de la destruction des valeurs et de la culture humaine opérée par les deux guerres mondiales et par l’attaque diabolique antihumain qui perdure depuis. Un des lecteurs de ce Journal est depuis longtemps un homme mur… et en qui Amiel a fait naître un désir spirituel concret: « Ô, si seulement nous pourrions disséquer, nous aussi, aujourd’hui le comment de nos jours et de nos désirs, associant vertu avec vertu, avec une telle exigence », s’exclamait-il plongé dans sa lecture d’Amiel. Il s’agit donc de la qualité de notre vie. Dans l’histoire de l’évolution de l’humanité il s’agissait toujours de ça: de l’opposition, de la lutte entre les forces du chaos, du sombre, contraires a la vie et les forces salvatrices, créatrices de vie et de l’amour, claires, propres. La subjectivité du Journal d’Amiel était en avance sur son époque. Son ouvre s’étend sur plusieurs milliers de pages (pres de dix-sept mille), un témoignage d’une vie terrestre avec un dessin prudent de l’époque. Il est son Livre d’or fait d’une seule piece qu’il tient pendant toute sa vie et qui devient son meilleur compagnon spirituel. «Il salue en lui le consolateur, le confident, le conseiller, l'ami, la pharmacie, "le médecin du solitaire” » (Philippe M. Monnier). Monsieur le Professeur est une excellence reconnue dans tout le pays. Lors du centenaire de Schiller (1859) a Geneve un étudiant récite La cloche dans la traduction d’Amiel. Il est l’invité de la célébration de 400 ans de l’université de Bâle (1860), tout comme celui des autres sociétés françaises ou suisse-alémaniques. Il est a plusieurs reprises directeur des diverses sections du Conservatoire, ses critiques et ses essais sont régulierement publiés. Tout le monde est au moins en accord sur ses valeurs de critique et d’analyste. Son Hymne écrite pour Geneve a été interprété dans le cadre d’un concert. Il est le traducteur en français de la Cantate de la nuit de Walpurgis de Mendelssohn. Et encore un exemple tiré de sa vie sociale: il arrive a Geneve le 8 septembre 1867 avec Garibaldi. La présente sélection ne peut pas englober la multitude des invitations officielles et de ses voyages. Mais il est évident que sa personnalité, son rayonnement intérieur a donné le rang aux plus excellents cercles spirituels. Sa fierté délicate est un don reçu dans son berceau et dans ses vies antérieures, son âme désire sans cesse les valeurs supérieures et éternelles. Et Amiel ne cede rien de cela. Sa droiture provenant de sa personnalité est une rareté, et son expérience fondatrice est sa foi ferme comme un roc. Malgré tout cela, paradoxalement c’est son chant patriotique belliqueux Roulez tambours! qui le rend célebre. Son autre poeme tres connu est mis en musique Salut, grands monts. En ce moment, a 36 ans, il est depuis 8 ans professeur de l’Académie de Geneve. L’Europe et la Monarchie Austro-hongroise est attaqué en embuscade par mille façons, en forçant avec acharnement et artificiellement la question des nationalités. Attila József l’exprime ainsi, 50 ans plus tard a Budapest: « et il y la procession des infâmes »… Les recherches spirituelles de Rudolf Steiner, le visionnaire des visionnaires, documente: a partir de 1843, une machination ouverte commence, organisée dans le plus rusé secret contre le cour et la paix de l’Europe, désirant le pouvoir mondial, voulant englober peu a peu toute la Terre. L’impératrice Elisabeth, la reine des hongrois, qui aimait ouvertement et profondément les hongrois, a payé avec sa vie, elle est tuée au bord du lac de Geneve. Il y suit un déclin moral catastrophique, sans précédent, pour lequel la langue anglaise par exemple a créé dans le XXeme siecle le mot subculture, la culture basse. Survivre, non disparaitre, rester donc européen. L’universalité d’Amiel est le mystere presque touchable de son ouvre, et sa question centrale. « Moments divins, heures d’extase ou la pensée vole de monde en monde, pénetre la grande énigme, respire large, tranquille, profonde (…) sereine et sans limite (…), instants d’intuition irrésistibles ou l’on se sent grand comme l’univers et calme comme un Dieu. » (28 avril 1852) Sa conscience moderne reste extraordinaire meme aujourd’hui et nous donne l’exemple; a cause de ça, le XXeme siecle aussi peut admirer son style. « C’est par ambition infinie que je n’ai point d’ambition » -peut-on etre plus moderne que ça aujourd’hui? Son ouvre, essentiellement le Journal, a touché presque toutes « les langues de culture » malgré sa mise á l’écart. Comme s’exprime Shakespeare: « le grand prédécesseur est insulté par le successeur bâtard ». Il y a bon nombre qui ont essayé, avec des jugements envieux et dictés, de l’étiqueter comme vie ratée, comme une chance perdue et de l’étouffer. Au milieu de la compétition meurtriere des bonhommes « de minutes » du monde souterrain professant l’émaille de surface du cinéma, de qui espérer donc l’édition de Il Penseroso au moins? Du Jour a jour, de La jeunesse, de la Lettre a sa famille, ses amis… ou son Kurs über die psychologie des nationalités de 1861? L’étudiant genevois rencontre a peine ses ouvres poétiques, ce a quoi Amiel donnait pourtant une grande importance, malgré de dures critiques. Ses traductions de l’allemand, de l’anglais, de l’italien, et – oui, oui! – de l’hongrois le lecteur hongrois les connaitra seulement d’un livre espéré a venir. Qui aura envie des dissertations en français, trouvera des sérieux connaisseurs: Bernard Bouvier, Georges Poulet, Philippe M. Monnier et bien d’autres. La biographie d’Amiel contribue aussi aux trésors innombrables de la Suisse avec des secrets magiques. En voici quelques exemples. Dans l’école d’Amiel, l’Ecole Lancastérienne, on apprenait a écrire dans le sable… Il perd a l’âge de 11 ans sa mere, « la rose de Neuchâtel », et son pere se jette dans le Rhône un an apres. Le Rhône, l’Arve, le ciel, le lac, les sentiments d’Amiel vis a vis de la nature… allez voir, c’est un véritable mystique! Son premier poeme, L’Orphelin, parait quand il a 17 ans. Frederika Bremer, qui deviendra l’expérience clairvoyante de Selma Lagerlöf ** (la premiere femme écrivaine qui se verra décerner le prix Nobel) est l’amie suédoise d’Amiel. Nous concluons la Préface avec le grand mystique du peuple russe: Lev Tolstoi, comme avec une recommandation. Dans les dernieres années de sa vie, Tolstoi lisait seulement le Nouveau Testament et le Journal intime d’Amiel.

*á qui Schelling fut lui-meme son professeur

** Ilma Hendi: Le journal de Selma Lagerlöf, Edition Idahegyi 1999

 

Ilma Hendi 2010 Pentecôte, Geneve – Chézery

 

Toute vie a sa grandeur et comme il t'est impossible de sortir de Dieu, le mieux est d'y élire sciemment domicile.

Minden életnek megvan a maga nagysága, és minthogy számodra lehetetlen Istent elhagyni, a legjobb tudatosan otthonoddá tenned.


Il n'est pas de joies si profondes que je ne les aie traversées. Ravissement du beau, félicité pure de la sainteté, sérénité lumineuse du génie mathématique, contemplation sympathique et passionnée de l'historien, passion recueillie de l'érudit, culte respectueux et fervent du naturaliste, ineffables tendresses d'un amour sans limite, joie de l'artiste créateur, vibration a l'unisson de toutes les cordes: n'ai-je pas eu des heures pour tous ces sentiments?

Nincs oly mély öröm, amit meg ne éltem volna. A szépségtõl való elragadtatás, a szentségbõl áradó tiszta boldogság, a matematikai géniusz sugárzó nyugalma, a történetíró együttérzõ és szenvedélyes szemlélõdése, a tudós elmélkedõ szenvedélye, a természetbúvár tiszteletteljes és buzgó imádata, a határtalan szerelem kimondhatatlan gyöngédsége, az alkotómûvész öröme, minden húr egybehangzó rezgése: nekem ne lett volna alkalmam ezekre az érzésekre?


Sans religion et sans poésie la mort est une chose hideuse, et l'homme n'est qu'une brute.

Vallás és költészet nélkül a halál borzalmas dolog, és az ember csak primitív, sötét.